Valérie Jouve : Suite

CA'ASI

Venise



11 mai - 30 aout 2017

Suite est donnée à un premier travail de Valérie Jouve sur la tour Rotana en 2013, à l’étape du chantier. Quatre ans plus tard, l’artiste est retournée en Jordanie où l’hôtel terminé cristallise la nouveauté dans un quartier neuf de la capitale Amman. Les pièces photographiques exposées à Venise rejouent avec les spectateurs une expérience des lieux actée par des images.

D’une esthétique documentaire, le regard de Jouve sur l’architecture se maintient à l’extérieur du regard immanent qui serait celui d’un architecte sur son projet. Sensible au bouleversement de tout un quartier, la photographe nous donne accès à une épopée de l’inanimé, choisie comme métaphore du vivant et du contemporain. L’actrice de ces images affronte la tour au niveau des rues ou bien la confronte à l’étendue d’un paysage urbain. Son regard est celui d’un piéton transcendantal qui reconnaît, avec intuition et majestueuse exactitude, les rapports d’échelle évidents ou secrets qui s’inaugurent entre le bâtiment et la ville.

Le travail à la chambre aide l’œil à devenir exact. La prise de vue argentique place toute chose à la suite de la lumière. Les compléments captés au 24 X 36 renseignent sur le territoire humain et son événement majeur, le passage du petit commerce aux affaires modernes. Les mouvements de l’antique commerce sont-ils cousins ou non du langage gestuel des décideurs ?

Le commerce international crée-t-il une bulle hermétique à l’existant ? Quel rapport de pouvoir la tour Rotana instaure-t-elle avec « cette réalité à trois rues derrière » qui interroge tout autant la problématique de l’artiste ? Dialoguent-elles ensemble ou grincent-elles l’une contre l’autre ?

Disciple de Michel Foucault autant que de Walker Evans, Valérie Jouve connaît la valeur d’engagement d’un archivage intransigeant, mené comme une enquête et conclu avec réalisme.

En contrepoint des grandes expositions consacrées à ses séries emblématiques – les sorties de bureaux, les paysages bâtis, les façades, la rue, les personnages – en des lieux déterminants pour l’art contemporain – le Centre Georges-Pompidou, le MAC/VAL, la galerie du Jeu de Paume, etc. –, le lieu d’échanges qu’est la CA’ASI joue avec l’artiste une carte plus expérimentale.

On a recherché une interactivité entre une architecture et une réflexion artistique sur cette architecture. La commande d’une tour en Jordanie à des architectes a donné lieu à une commande d’art contemporain de la part des architectes. Le contrat intellectuel passé entre Jouve et Architecture-Studio supposait d’avoir à renoncer à la tour Rotana en tant que « sujet » d’une image. Ce n’est pas le « sujet » qui fait une image, mais la portée problématique de celle-ci.

Jouve s’intéresse au bâtiment comme annexe de son interrogation générale sur les projections dans l’avenir qu’incarnent les architectures, morceaux des villes. Son regard en Jordanie est aussi celui d’une citoyenne du monde qui a partagé la vie des Palestiniens et pratiqué son art en Cisjordanie une année entière. La ville moyen-orientale et son évolution entraient déjà dans son champ visuel et critique. Là comme ailleurs, ses images font confiance à l’acuité critique que la perception développe avec énergie face au réel et à son silence.

Architecture-Studio avait galbé le cylindre de sa tour pour la poser légère comme une plume au pied du quartier, sur un socle transparent regorgeant de vie. Mais Jouve montre autrement la chose.

Informations pratiques

CA’ASI
Cannaregio 6024, Campiello Santa Maria Nova
30121 Venise, Italie
+39 041 24 10 939
Vaporetto: Rialto / Fondamenta Nova



Communiqué de presse